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La Semaine de Buvette
17 octobre 2006

Contes de notre enfance - refaits à neuf (1) : un ogre.

ogreLe soleil d’été réchauffe les hautes herbes folles de la pâture. Pour faire bonne mesure, une fermette au loin et des cris d’enfants joyeux. Les épis de chiendent se séparent pour faire place à un tourbillon de cheveux, de jupes, à un nuage de sauterelles le fuyant, le crin-crin soudain muet pendant que s’élève un vrombissement de galoches enjouées. Elles sont deux à jouer à la folie, une blonde, une brune, leur tête dépassant juste de l’herbe. Elles se baissent et se perdent, se relèvent puis se poursuivent, suantes, essoufflées, les jambes égratignées. Et soudain elles stoppent net.

Une silhouette en contre-jour sur le bord du chemin, une silhouette que l’on ne peut contempler qu’en levant la tête et en fermant un œil à cause du soleil, une silhouette s’est arrêtée et les contemple depuis un certain temps déjà. Elles viennent tout juste d’en prendre conscience. C’est un jeune homme mince, presque hâve, élégant peut-être même, avec au visage un étrange sourire, bienveillant certes mais qui dénote une assurance peu commune. Elles s’approchent, il semble les attendre. Il les attend. Elles ont l’habitude, ils se sont apprivoisés autrefois.

Comme un rituel il leur prend la main, la blonde à droite, la brune à gauche qui le regardent tandis qu’il fixe la route. Un passant s’approchant pourrait entendre le trio chanter à mi-voix  la traditionnelle ritournelle contant l’histoire du boucher et de Saint Nicolas. Mais aucun passant ne s’approche. Comme un fait exprès ils ne rencontreront pas âme qui vive jusqu’à leur destination : l’ancien lavoir situé tout en bas du village, là où les maisons se sont écroulées, où nul ne vient plus sinon pour cueillir des champignons.

Ici la rivière est peu profonde et l’eau très claire, elle a parcouru juste quelques kilomètres depuis la montagne. Elle est fraîche et appelle irrésistiblement un pied à s’y tremper. Un pied puis deux, une éclaboussure pour de rire, une robe mouillée, un petit cri de joie, bientôt les robes trempées vont s’étendre sur l’herbe jaunie d’un pré, on s’éclabousse avec les mains. Le jeune homme, lui, est sagement assis sur une pierre, on pourrait avoir l’impression qu’il n’épie pas les deux enfants, que seuls l’intéressent les graviers qu’il jette un à la fois au mitan du courant.  

Il va arriver un moment où il quittera son affût, un moment de folie de la part des fillettes, où l’eau volera sans cesse en arc en gouttes irisées, il ira se pencher nonchalamment sur le cours d’eau, engloutira une ou deux gorgées d’eau recueillie au creux de la main. Elles riront de son visage renversé, offert au ciel, de sa bouche entrouverte d’où semble sortir une longue plainte muette, des ses yeux chavirés dont seul le blanc est perceptible entre les paupières presque fermées. Elles sont comme ça les petites filles auxquelles on n’a pas assez lu de contes de fées. Elles n’ont plus peur des ogres.

 

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Commentaires
C
Je ne pensais pas avoir donné autant d'infos ! ;)<br /> (Ne le dites à personne!)
B
J'ai trouvé. Merci Chantal.
B
t'es sûre ?
A
woua!
B
Je me demande bien de quoi tu parles...
La Semaine de Buvette
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