A l'est du nouveau (enfin pour moi).
Une longue tradition remontant au milieu du siècle dernier veut que ma famille fasse l’effort de bien s’entendre avec nos cousins germains (mais qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit nullement d’affinités idéologiques mais de lâcheté salvatrice). Ainsi, quelle ne fut pas ma joie lorsque ma moitié de couple proposa, afin de terminer en beauté nos longues, très longues vacances ( éh oui, t’as qu’à passer le concours), de passer quelques jours dans la patrie de Goethe et de la saucisse rosâtre.
Sitôt dit, sitôt fait, nous voilà bientôt arrivés à destination en Germanie, plus exactement aux environ de Mulhouse, land d’Alsace. C’est alors que commença le cauchemar. Chargé, au bout de plusieurs heures de route pour arriver chez nos hôtes, d’une vessie douloureuse, je me précipitais vers les commodités. Quand la miction libératrice jaillit joyeusement pour me revenir en plein visage, je subodorais (ou j’odorais tout court) qu’un problème venait de se faire jour dans la cuvette des WC (j’ai toujours craint une révolte des toilettes dont la patience m’étonne tant ils acceptent qu’on leur chie dessus sans moufter. Des vrais travailleurs chinois).
Effectivement, là où d’ordinaire mon jet d’urine bouillonne plaisamment à la fois dans une mousse légère et dans l’entrée d’un siphon, l’observateur ahuri ne pouvait voir qu’une paroi de porcelaine, et se demandant à bon escient où se trouvait l’écoulement propice à l’évacuation des déchets organiques, constatait avec effarement qu’il était sis sur l’avant du bidet. Mon envie de satisfaire mes besoins maintenant complètement refroidie, je ressortais la tête basse et légèrement humide, n’osant plus désormais regarder en face les personnes qui nous recevaient et dont je pensaient qu’elles étaient normales alors que d’évidence elles possédaient un appareil uro-génital et un système anal inversés pour se sentir à l’aise dans ce genre de commodités.
Le reste du séjour se passa dans une certaine gène et pour moi dans une méditation profonde afin d’éclaircir la question suivante : suis-je chez des handicapés, ou bien TOUS les teutons ont-ils le trou du cul sur le devant ? De retour je m’en allais chez un mien camarade fort versé dans la bochologie (il aime beaucoup la choucroute) lequel me rassura d’emblée en affirmant qu’il ne s’agissait pas de différence physiologique, mais d’une approche culturellement et ontologiquement différente de la scatologie : « C’est pour que tu puisses observer ton étron dans le bac avant de tirer la chasse, et que tu l’analyses. C’est ça, que tu l’analyses. C’est plutôt Kantien comme WC en quelque sorte. »
Ouais ben Kant ou pas Kant, passer une semaine à mouler des bronzes à califourchon et à l’envers c’est le genre de truc qui pourrait bien mettre du plomb dans l’aile de l’amitié franco-allemande. L’Europe oui, mais pas à n’importe quel prix.
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